La réforme d'Obama acceptée par l'industrie de la santé
Bien que sa victoire semble acquise, Barack Obama se doit de poursuivre sa campagne pour la réforme de la santé. Mardi, la cérémonie de promulgation de la loi adoptée dimanche par la Chambre des représentants lui a donné l'occasion de vanter les mérites d'une réforme historique qui n'est soutenue que par quatre Américains sur dix, selon un sondage de Bloomberg tout juste publié. Mais le combat législatif du président Obama n'est pas terminé. Le Sénat n'a pas encore voté des amendements adoptés séparément dimanche par la Chambre. La minorité républicaine tente encore de retarder l'adoption définitive du texte de compromis qu'elle rejette en bloc. Cette bataille a priori perdue d'avance pourrait durer plusieurs jours.
Paradoxalement, sur le fond, les républicains ont réussi à contenir les ambitions initiales de Barack Obama et de la gauche du Parti démocrate. Les «lobbys» des sociétés du secteur de la santé ont très bien servi les intérêts de leurs clients. Les laboratoires pharmaceutiques ont par exemple évité le pire. Ils n'auront pas à négocier les prix de leurs médicaments avec une nouvelle agence fédérale, comme les démocrates l'avaient envisagé. Ils conservent pendant douze ans les brevets exclusifs des molécules qu'ils ont déposés. On avait songé à réduire cette période à sept ans. La loi n'autorise pas non plus la réimportation aux États-Unis, en provenance du Canada par exemple, de leurs médicaments qui y sont vendus nettement moins chers.
Impact redouté sur l'emploi
Les géants de la pharmacie, tout comme les fabricants d'appareils médicaux, vont certes devoir payer une surtaxe au cours des prochaines années, proportionnelle à leurs parts de marché. La ponction subie par les laboratoires sera de 90 milliards de dollars sur dix ans. Cela reste raisonnable pour une industrie dont les marges sont proches de 30 % et dont le chiffre d'affaires annuel global est de 750 milliards de dollars. D'autant que les ventes de l'industrie devraient grimper plus vite au cours des prochaines années, du fait de l'arrivée de plus de 20 millions de nouveaux clients aujourd'hui dépourvus d'assurance-maladie.
Même les compagnies d'assurance, dont la cupidité supposée est sans cesse dénoncée par les démocrates, s'en tirent moins mal que prévu. Elles n'auront pas à faire face à la «concurrence déloyale» d'un régime public d'assurance santé longtemps proposé par Barack Obama. Il n'y aura pas non plus de nouvelle agence fédérale de réglementation de leurs primes. En revanche, au niveau des États doivent se mettre en place des plates-formes où leurs offres seront mises en concurrence. Elles ne pourront plus refuser d'assurer des personnes malades ou «à haut risque». Leur modèle va donc devoir évoluer. Certaines risquent de souffrir de cet ajustement.
Les lobbys des entreprises sont, de leur côté, très déçus de la victoire à l'arraché de la Maison-Blanche. Initialement, les grandes entreprises s'étaient ralliées au principe d'une réforme de la santé. Elles sont aujourd'hui - et devraient rester à l'avenir - la principale source de financement des soins médicaux. Or, elles comptaient sur Washington pour imaginer des mécanismes de contrôle des coûts.
Dans les PME et chez les commerçants, la réforme est encore plus mal acceptée. Dans leur esprit, la loi décourage l'embauche, car elle augmente les coûts de main-d'œuvre. En dépit de crédits d'impôts promis, beaucoup de petites sociétés déplorent l'obligation faite aux entreprises de plus de 50 employés d'offrir une forme d'assurance à leur personnel, sous peine d'amendes. «Ce n'est pas une loi qui réforme la santé. C'est une loi qui augmente les impôts, déguisée en réforme de la santé», se lamente Susan Eckerly, vice-présidente de la National Federation of Independent Business.
"Le Figaro" du 23 mars 2010